En cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables.

Com. 7 févr. 2018, FS-P+B+I, n° 16-20.352

 

Les faits de l’espèce étaient classiques. Un contrat, conclu avant la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, contenait une clause limitative de réparation. Or, à la suite de l’inexécution dudit contrat, sa résolution a été prononcée. Partant, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur l’éventuelle application de cette clause.

 

Une telle question est en réalité ancienne. Sans prétendre à l’exhaustivité, il existe deux manières d’appréhender la résolution. Si elle est analysée comme un anéantissement ex tunc, rétroactif du contrat, il convient de libérer rétrospectivement les parties de leurs obligations. Il s’agit logiquement de faire disparaître les clauses limitatives de responsabilité « dans le sillage du contrat résolu qui en est le support, la matrice ».

 

À l’inverse, il est également possible de voir dans la résolution un anéantissement ex nunc, non rétroactif du contrat, ne libérant les parties de leurs obligations que pour l’avenir. Dans ce cas, il est possible d’appliquer les clauses limitatives de responsabilité nonobstant la résolution du contrat. Comme le soulignent des auteurs autorisés, « de fait, à la différence de la nullité, la résolution anéantit un contrat valablement conclu. Il n’y a donc pas de raison de faire obstacle à l’application des clauses légalement formées régissant les conséquences de la fin du contrat ».

 

La doctrine admet donc largement que ces clauses régissant l’issue du contrat, parce qu’elles sont destinées à régler les conséquences de l’inexécution, survivent (Rép. dr. civ.,  Résolution – Résiliation, sept. 2017, n° 225, par C. Chabas). Plus largement, il est relevé que « seules les clauses qui ne participent pas de l’exécution du contrat sont a priori admises à survivre à la résolution du contrat » (T. Genicon, La résolution du contrat pour inexécution, préf. L. Leveneur, LGDJ, 2007, n° 769).

 

La jurisprudence admet également, dans l’ensemble, une telle position. Ainsi, il a été jugé que s’appliquent les clauses compromissoires (Civ. 2e, 25 nov. 1966, Bull. civ. II, n° 927 ; D. 1967. 359, note J. Robert) ou attributives de compétence (Civ. 2e, 11 janv. 1978, n° 76-11.237, Bull. civ. II, n° 13).

 

Il en va de même de la clause pénale, « destinée à réparer les conséquences dommageables de la résolution d’un contrat [elle] survit à la résolution de ce contrat » (Civ. 3e, 6 janv. 1993, n° 89-16.011, Liaisons jur. et fisc. 1993, n° 667, p. 1, obs. Dimont ; Com. 10 juill. 1990, n° 89-12.804, Bull. civ. IV, n° 204 ; RTD com. 1991. 104, obs. A. Martin-Serf  ; ibid. 283, obs. B. Bouloc).

 

S’agissant des clauses limitatives de responsabilité, certains arrêts avaient pu venir semer le trouble. Ainsi, il avait été jugé en 2010, dans un arrêt non publié, que « la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les clauses limitatives de responsabilité » (Com. 5 oct. 2010, n° 08-11.630, RDC 2011. 431, note Genicon ; JCP 2011. 63, obs. P. Grosser). D’aucuns avaient alors formulé l’espoir que cette décision n’ait pas de suite (P. Grosser, préc.).

 

Un autre arrêt de 2012, cette fois publié, a également énoncé que, « ayant retenu que la gravité des manquements » de la société prestataire de services « justifiait la résolution du contrat aux torts exclusifs de cette dernière, en application des dispositions de l’article 1184 du code civil, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le contrat résolu étant anéanti », la société « n’était pas fondée à se prévaloir des stipulations contractuelles régissant les conditions et les conséquences de sa résiliation unilatérale » par la partie cliente (Com. 3 mai 2012, n° 11-17.779, Bull. civ. IV, n° 86 ; Dalloz actualité, 14 mai 2012, obs. X. Delpech).

 

La portée d’une telle décision était incertaine.

 

L’arrêt du 7 février 2018 met un terme à ces difficultés puisqu’il énonce largement « qu’en cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables ».

 

Bien que rendu au visa des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la solution a en outre l’avantage d’être conforme au droit nouveau. En effet, depuis la réforme du droit des contrats, le nouvel article 1230 du code civil dispose que « la résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence ». Or, une clause limitative de responsabilité devant précisément intervenir en cas d’inexécution du contrat, elle est certainement « destinée à produire effet » en cas de résolution.

 

Source : Editions DALLOZ