La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a modifié les dispositions du Code de la route et les modalités pratiques d’exécution de la nouvelle obligation des employeurs ont été précisées par arrêté du 15 décembre 2016.

Quel était le régime antérieur et pourquoi cette réforme ?
Jusqu’à la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle, et son décret d’application du 28 décembre 2016, les entreprises n’avaient pas l’obligation de dénoncer les salariés qui commettaient des infractions au volant d’un véhicule de l’entreprise.

En effet, le Code de la route pose le principe selon lequel les conducteurs de véhicule sont pénalement responsables des infractions qu’ils commettent (C. route, art. L. 121-1), mais prévoit par dérogation que le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule (« carte grise ») est redevable pécuniairement des amendes, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’un événement de force majeure ou qu’il apporte la preuve qu’il n’était pas l’auteur véritable de l’infraction.

Cette responsabilité pécuniaire est autonome de la responsabilité pénale, c’est-à-dire que le titulaire du certificat d’immatriculation ne risque aucun retrait de points (il n’a pas commis l’infraction). Il doit uniquement payer l’amende.
Dans une décision du 16 juin 1999, le Conseil constitutionnel avait jugé que le titulaire du certificat d’immatriculation n’avait pas l’obligation de dénoncer le conducteur (Cons. const., 16 juin 1999, n° 99-411, DC, JO 19 juin). Il en résultait une pratique assez fréquente des entreprises consistant à régler les avis de contravention sans donner le nom du salarié contrevenant. À charge pour ce dernier de rembourser l’amende. Dans ce système, personne ne perdait de points ce qui était dans l’intérêt de tous sauf de la sécurité routière… Le législateur a voulu mettre un terme à cette pratique afin de responsabiliser davantage les salariés auteurs d’infractions. En effet, il est à noter que les accidents de la route sont la première cause de mortalité au travail.
La nouvelle obligation s’applique depuis le 1er janvier 2017 au représentant légal des personnes morales titulaires d’un certificat d’immatriculation du véhicule, quelle que soit la personne qui a commis l’infraction.
En pratique ?

 

Si un salarié commet une infraction avec un véhicule dont le certificat est au nom de l’entreprise, l’employeur, qui recevra l’avis de contravention, doit transmettre dans un délai de quarante-cinq jours, à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, le nom et l’adresse du salarié qui conduisait le véhicule au moment de l’infraction.


Une exception est prévue par la loi : l’employeur est dispensé de cette obligation s’il établit l’existence d’un vol, une usurpation de plaque d’immatriculation ou tout autre évènement de force majeure.
Cependant, la formulation légale est ambiguë en ce qu’elle pose une obligation de dénonciation à la charge du détenteur du véhicule et du titulaire du certificat d’immatriculation.

En cas de location de véhicule (leasing avec option d’achat, location longue durée), le nom du locataire figure sur le certificat d’immatriculation à côté de celui du loueur qui reste, juridiquement, le titulaire du certificat d’immatriculation.

Pour la responsabilité pécuniaire, il est expressément prévu que le locataire est redevable (C. route, art. L. 121-2 et L 121-3). Une formulation similaire n’a pas été prévue pour l’obligation de dénonciation. La prudence s’impose toutefois, dans la mesure où les travaux parlementaires indiquent que la nouvelle obligation vise les « propriétaires et locataires de flottes de véhicules » (Rapp. n° 3726, p. 195).

En pratique, l’avis de contravention est envoyé à l’employeur locataire par l’administration, puisque sa qualité de locataire fait de lui l’utilisateur du véhicule. Même si l’employeur n’est ni juridiquement titulaire du certificat d’immatriculation ni détenteur du véhicule, la prudence lui commande de procéder malgré tout à la dénonciation du salarié conducteur.

En effet, en cas de contentieux, il est possible que les juridictions aient une interprétation large du texte du Code de la route.

Quelles sont les infractions concernées ?

Le nouvel article L. 121-6 du Code de la route renvoie aux infractions constatées selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 du même Code, c’est-à-dire par des appareils de contrôle automatique ayant fait l’objet d’une homologation ou radars.

Plus précisément, il s’agit des infractions constatées par ce moyen relatives à la vitesse maximale des véhicules, aux distances de sécurité entre véhicules, au dépassement, au franchissement et au chevauchement de lignes continues, aux signalisations imposant l’arrêt, à la présence de véhicules sur certaines voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules, au port de la ceinture de sécurité, à l’usage du téléphone tenu en main, à la circulation sur les bandes d’arrêts d’urgence, à l’obligation d’être assuré, à l’obligation du port d’un casque pour les conducteurs de deux-roues, trois roues ou de quadricycle, et enfin à l’engagement dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt à un feu de signalisation, réservé aux cycles et cyclomoteurs (C. route, art. R. 130-11).
À la lecture combinée des articles L. 121-6 et L. 130-9, une infraction qui n’est pas constatée par radar par exemple en cas de stationnement interdit, n’entre pas dans le champ de l’obligation de dénonciation.

Que faire lorsque le conducteur est difficilement identifiable, par exemple lorsqu’un même véhicule est utilisé par plusieurs salariés ?

Lorsqu’un même véhicule est utilisé par plusieurs salariés, il est conseillé aux employeurs de tenir un carnet de bord précis, notamment sur les horaires de conduite, afin de savoir exactement qui conduisait le véhicule au moment de l’infraction.

A mon sens, il est essentiel de communiquer auprès des salariés sur cette nouvelle obligation mais aussi de formaliser le processus de dénonciation. L’employeur peut, par exemple, mettre en place une charte dans laquelle le salarié prend une part active à la procédure et doit confirmer qu’il était bien au volant au moment de l’infraction.

À défaut, il s’engage, par exemple, à communiquer à l’employeur le nom de la personne qui conduisait.

J’attire cependant votre attention sur le fait que l’obligation de l’employeur est de communiquer aux autorités judiciaires l’identité du conducteur du véhicule au moment de l’infraction. Si le conducteur ne peut pas être identifié, on revient à une application classique de L. 121-3 du Code de la route dans laquelle l’employeur paye l’amende et personne ne perd de points de permis.

En cas de manquement à son obligation de dénonciation, l’employeur encourt une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros, qui correspondent à l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe dans le Code pénal.

Il convient d’insister sur le fait que c’est la responsabilité personnelle du chef d’entreprise, personne physique, qui est engagée. Cela signifie pour ce dernier qu’il n’est pas possible d’être remboursé par l’entreprise.

En outre, l’employeur qui ne dénonce pas le salarié, reste redevable pécuniairement de l’amende due au titre de l’infraction commise (C. route, art. L. 121-3).

Certains imaginent de maintenir la pratique antérieure en demandant au salarié de prendre en charge à la fois l’amende pour non-dénonciation et celle due au titre de l’infraction, en contrepartie d’une conservation des points.

Cependant, un tel schéma semble extrêmement périlleux au regard des nouvelles dispositions.

Quelles sont les voies de recours pour le salarié ?
Le salarié conserve, comme tout conducteur, la possibilité de contester les contraventions dont il fait l’objet. Il peut prouver qu’il n’était pas au volant au moment de l’infraction. En outre, il peut engager la responsabilité de l’employeur en cas de dénonciation calomnieuse ; d’ailleurs le formulaire de dénonciation mentionne clairement que toute fausse déclaration expose le représentant de la personne morale ainsi que la personne morale à des poursuites pénales.

L’employeur risque donc de voir sa responsabilité engagée en cas de dénonciation de complaisance, de dénonciation calomnieuse ou d’erreur. Outre les sanctions encourues à ce titre, l’employeur s’exposera à devoir payer l’amende pour non-dénonciation car le texte l’oblige à donner l’identité de la personne qui conduisait le véhicule et à payer l’amende due au titre de l’infraction.

Le nouveau régime impose donc à l’employeur un vrai travail d’investigation, mené avec un maximum de diligence pour identifier au mieux la personne dans le délai de quarante-cinq jours qui lui est imparti. Ce n’est qu’à cette condition qu’il s’exonérera de sa responsabilité pour non-dénonciation (la redevabilité pécuniaire subsistera).
Enfin, le salarié conserve, par exemple en cas d’excès de vitesse, la possibilité de demander à ce que l’amende soit partiellement ou totalement mise à la charge de l’employeur s’il établit que les circonstances de fait ou ses conditions de travail sont à l’origine de la commission de l’infraction notamment en raison des cadences ou des durées de livraison (cf. C. route, art. L. 121-1 ; Rép. Carier AN, n° 7444, 19 avr. 1968, min. Justice).

Source : semaine sociale Lamy