Ne constitue pas du temps de travail effectif le trajet effectué dans l’enceinte d’une zone aéroportuaire entre le poste de contrôle de sécurité et le lieu d’exécution du travail. Peu importe que ce trajet soit obligatoirement effectué en navette.
Cass. soc., 9 mai 2019, nº 17-20.740

Les contraintes imposées au salarié pendant ses déplacements sur le site de l’entreprise ne suffisent pas à caractériser du temps de travail effectif

Il s’agissait dans cette affaire d’un salarié travaillant, pour le compte d’une entreprise prestataire, sur un site aéroportuaire. Avant de rejoindre son poste de travail, l’intéressé était soumis à des contrôles de sécurité et devait emprunter une navette. Celle-ci ne passait qu’à des horaires fixes et, après 18 heures, ce service n’était plus assuré, ce qui obligeait le salarié à attendre qu’un collègue soit disponible pour le raccompagner. En contrepartie de ces contraintes, l’intéressé bénéficiait de deux jours au maximum de congés annuels supplémentaires.

Considérant que ces temps de déplacement constituaient du temps de travail effectif, ce dernier sollicita un rappel de salaires. La cour d’appel avait fait droit à sa demande dans la mesure où l’intéressé était « contraint de se soumettre au contrôle de sécurité […] à l‘utilisation d’un véhicule spécifique […] que ces contraintes (résultaient) de la spécificité de son emploi et de ses conditions de travail ». En conséquence, il n’avait pas, selon elle, d’autres « choix que de se soumettre aux règles de sécurité applicables dans l’enceinte où est situé son lieu de travail et ne (disposait) pas de liberté de vaquer à ses occupations personnelles ». La cour d’appel a donc jugé que les éléments caractérisant le temps de travail de travail effectif, visés à l’article L. 3121-1 du Code du travail, étaient réunis.

La Cour de cassation a censuré cette décision au motif que les obligations imposées au salarié (contrôles de sécurité, utilisation d’une navette) ne l’étaient pas par l’employeur lui-même, mais résultaient des règles de sécurité et de fonctionnement de l’aéroport. Enfin, il n’était pas démontré que le salarié était à la disposition de son employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Traitement des déplacements compris entre la porte d’entrée (ou de sortie) et le poste de travail

Cette décision s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence bien établie. Dès lors que le salarié n’a pas encore pointé ou rejoint son poste de travail, il n’est pas présumé avoir commencé à travailler. De même, sa journée ou sa plage de travail est supposée terminée dès qu’il pointe ou qu’il quitte son poste.
La Cour de cassation avait déjà adopté une position semblable dans une affaire où les salariés devaient au préalable se rendre au vestiaire pour se vêtir ou se dévêtir de leur tenue de travail (Cass. soc., 31 oct. 2007, nº 06-13.232). Le fait que ces déplacements soient surveillés ou doivent s’effectuer en respectant certaines règles comportementales n’y change rien.

Même chose, précise aujourd’hui la Cour de cassation, si les salariés sont soumis pendant ce laps de temps à des contraintes rigoureuses, dés lors qu’elles sont imposées par l’exploitant du site sur lequel est implantée l’entreprise et non l’employeur lui-même.

Il suffit donc, dans chacune de ces circonstances, que les intéressés soient libérés de tout travail, peu importe la distance entre leur poste et l’entrée du site et les contraintes en résultant.
Ces temps de déplacements dans l’enceinte de l’entreprise font en quelque sorte partie du trajet domicile-travail dont ils constituent le prolongement.

Il en va différemment si, pendant ce parcours, les salariés peuvent être sollicités par les clients et de surcroît être accompagnés de leur supérieur hiérarchique. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation alors que les salariés devaient traverser, en costume de travail et en portant leurs badges, des zones ouvertes au public qui pouvait les solliciter (Cass. soc., 13 janv. 2009, nº 07-40.638).

Le temps de déplacement du salarié compris entre la porte d’entrée (ou de sortie) et le poste de travail n’a donc pas à être comptabilisé dans le temps de travail effectif des salariés, ni même à être rémunéré dès lors que les intéressés ne sont pas encore ou ne sont plus à la disposition de leur employeur, n’étant plus momentanément en situation d’être sollicités par celui-ci.

La Cour de cassation semble réserver l’hypothèse où l’employeur impose lui-même des contraintes particulières à ses salariés. Et c’est sans doute là que réside la plus-value de cette décision.

Source WOLTERS KLUWER