Vote par correspondance : modalités d’envoi du matériel électoral et absence de boîte postale

Portée
En matière de vote par correspondance pour les élections professionnelles, ni la désignation dans le protocole d’accord préélectoral de personnes autres que les membres du bureau de vote pour acheminer et conserver les bulletins de vote, ni l’absence de boîte postale réservée pour les élections, ne constituent en soi des violations des principes généraux du droit électoral justifiant l’annulation des élections.

Cass. soc., 30 janv. 2019, nº 18-11.899 D

Suite à la conclusion d’un protocole d’accord préélectoral une organisation syndicale a saisi le tribunal d’instance en annulation du scrutin en contestant les dispositions concernant le vote par correspondance.

Il est essentiellement reproché l’intervention d’une secrétaire de direction ne faisant pas partie du bureau de vote pour acheminer et conserver les bulletin et l’absence de boîte postale réservée pour les élections. Il y avait selon l’organisation syndicale violation des principes généraux du droit électoral pouvant entraîner l’annulation des élections.

En d’autres termes, pour l’organisation syndicale, il y avait, avec cette intervention d’un non-membre du bureau et l’absence de mise en place d’une boîte postale dédiée, violation des principes de secret et de sincérité des votes.

Mais pour la Cour de cassation, en matière de vote par correspondance pour les élections professionnelles, ni la désignation dans le protocole d’accord préélectoral de personnes autres que les membres du bureau de vote pour acheminer et conserver les bulletins de vote, ni l’absence de boîte postale réservée pour les élections, ne constituent en soi des violations des principes généraux du droit électoral justifiant l’annulation des élections.

Pour mémoire, le rôle du bureau de vote est de diriger et de contrôler les opérations électorales. Le Code du travail n’en faisant aucune mention, ce sont les conventions collectives et les accords préélectoraux qui précisent les attributions du bureau, dans le respect du droit électoral.

Il appartient en principe au bureau de vote notamment de manière générale :

— de vérifier que les personnes se présentant pour voter appartiennent au bon collège et qu’elles ont bien la qualité d’électeur ;

— de surveiller la mise des enveloppes dans les urnes (enveloppes titulaires dans urnes titulaires …) ;

— de veiller au secret du scrutin (passage dans les isoloirs mis à la disposition des électeurs, vérification des urnes avant le début du vote) ;

— de faire signer les électeurs via les listes d’émargement au fur et à mesure des votes ;

— de consigner les incidents pouvant intervenir en cours de scrutin ;

— de prononcer à l’heure convenue la clôture du scrutin, de procéder au dépouillement, de déterminer et de proclamer publiquement les résultats et d’établir un procès-verbal.

Et plus particulièrement quand il y a vote par correspondance, il revient au bureau de se faire remettre, s’il y a lieu, les votes par correspondance et de les ajouter aux votes exprimés dans l’entreprise. Il n’y a pas d’autres exigences en principe sauf si des missions complémentaires ont été confiées via le protocole préélectoral (ou une disposition conventionnelle) à celui-ci.

Par ailleurs, en pratique en matière de vote par correspondance, il doit être mis à la disposition des salariés concernés les bulletins de vote, deux enveloppes destinées à recevoir les bulletins (titulaires et suppléants) ainsi qu’une troisième servant à adresser les enveloppes contenant les bulletins de vote. Très régulièrement, le protocole d’accord préélectoral prévoit assez précisément les modalités d’envoi du matériel électoral. Si tel est le cas, l’employeur est tenu de les appliquer. Par exemple, si le protocole préélectoral prévoit expressément que le matériel de vote doit être mis sous pli et expédié aux électeurs absents en présence d’un membre de chaque organisation syndicale, cette procédure doit être respectée. Par conséquent l’employeur ne peut alors dans le contexte laisser les salariés venir récupérer le matériel de vote directement auprès du service RH (Cass. soc., 10 janv. 1989, nº 87-60.135). Mais, en l’absence de telles dispositions contenues dans le protocole, cette pratique serait au contraire admissible. De même, le protocole pourrait très bien réserver aux membres du bureau de vote la charge de mise à disposition du matériel de vote mais rien ne l’impose. Et inversement, le fait d’autoriser, comme dans cette affaire, la présence d’un tiers au bureau de vote ne caractérise pas une violation d’un principe général du droit éléctoral.

Il en va de même s’agissant de la mise en place ou de la non mise en place d’une boîte postale réservée aux élections. Si rien n’interdit aux partenaires sociaux de prévoir que les enveloppes soient acheminées vers une boîte postale à l’inverse son installation ne s’impose pas. Il est à noter que si elle a été prévue, le juge veillera, le cas échéant, à ce que son ouverture soit réalisée dans des conditions permettant de garantir la sincérité du scrutin qui caractérise un principe général du droit électoral (Cass. soc., 30 avr. 1997, nº 96-60.063).

Une certaine liberté est donc de mise dans le cadre de la négociation du protocole d’accord préélectoral s’agissant du vote par correspondance et dans le silence des textes, en dehors essentiellement du respect des principes généraux du droit électoral, les partenaires sociaux demeurent souverains.

Source WOLTERS KLUWER