L’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 134-12 du code de commerce est due même si la cessation du contrat intervient pendant la période d’essai.

Com. 23 janv. 2019, FS-P+B, n° 15-14.212

L’affaire est connue, car elle a déjà donné lieu à une prise de position de la Cour de justice de l’Union européenne, interrogée par la voie préjudicielle par la Cour de cassation (Com. 6 déc. 2016, n° 15-14.212, D. 2017. 881).

Elle concerne la question du droit à indemnisation de l’agent commercial en cas de rupture du contrat pendant la période d’essai. Un contrat d’agence commerciale a été conclu entre deux sociétés de droit français. Ce contrat stipule une période d’essai de douze mois à l’issue de laquelle il sera réputé à durée indéterminée. Mais le donneur d’ordre, le mandant, a rompu le contrat au cours de cette période d’essai au motif du non-respect, par l’agent commercial des objectifs convenus. L’agent a-t-il droit à l’indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation du contrat ?

Saisie par la voie préjudicielle par la Cour de cassation française, la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à cette question par l’affirmative. Elle considère, en substance que, dans le silence de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants et en vertu de la liberté contractuelle, le contrat d’agence commerciale peut prévoir une période d’essai. La stipulation de cette période d’essai ne fait pas échec à la mise en œuvre du mécanisme d’indemnité de cessation de contrat par l’agent au cours de la période d’essai, le contrat d’agence commerciale étant en vigueur depuis le premier jour (CJUE 19 avr. 2018, aff. C-645/16, AJ Contrat 2018. 294).

La Cour de cassation française ne pouvait bien entendu que suivre cette position et, par conséquent, donner droit à la demande d’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 134-12 du code de commerce formée par l’agent commercial évincé au cours de la période d’essai. Cela étant, la solution vaut surtout pour le principe qu’elle énonce : le droit à indemnisation pour rupture du contrat d’agence par le mandant au cours de la période d’essai. Mais il était important que la Haute juridiction l’énonce à nouveau (V. déjà, Com. 17 juill. 2001, n° 97-17.539 ; 23 juin 2015, n° 13-19.486), cette fois après avoir reçu l’imprimatur de la Cour de justice, compte tenu de la résistance de plusieurs juridictions du fond.

Cela étant, s’agissant du quantum de l’indemnisation – question sur laquelle la cour d’appel de renvoi devra se prononcer, et sur rien d’autre – l’agent commercial éconduit le risque d’être déçu. Il ne devra pas se montrer trop gourmand car le préjudice réparable, donc le montant des dommages-intérêts, est largement fonction de la durée du contrat. Or, ce contrat ayant été rompu au cours de la période d’essai, c’est-à-dire moins d’un an après sa conclusion, les dommages-intérêts alloués devraient être symboliques.

Source : Editions DALLOZ